Conrad de Vietinghoff, le père
Rares sont ceux qui ont l'occasion de l'entendre jouer chez lui ou dans les salons d'amis. Tous parlent de lui comme d'un pianiste génial, absolument incomparable dans ses interprétations de Bach, Mendelssohn, Schumann, Chopin, Brahms, pour ne citer qu'eux, ou Reger et Scriabine, ses cadets de deux ans. Il jouait sur un piano à queue de Blüthner. Pianiste au toucher de velours, rien n'a jamais été enregistré de ses interprétations "chantantes".
Agé de 86 ans, il s'teint à Zurich, paisiblement, assez dépourvu et ignoré. |
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Les Allemands des provinces baltes, et particulièrement l'aristocratie, passaient pour de véritables originaux. La distance géographique de leur pays d'origine, les changements d'appartenance nationale, leur statut social élevé par rapport aux populations lettones et leur indépendance économique peuvent y avoir contribué. De même, les nombreux mariages entre membres des mêmes familles... Les folies de certains formeraient la trame de bien des romans. En dépit de la combinaison singulière d'ignorance, d'instruction et d'une forme particulière d'intelligence, ils étaient indéniablement ouverts sur le monde, larges d'esprit et conscients de leur valeur.
Ils se distinguaient par leur mode de vie d’une grande liberté, leur courage à toute épreuve, leur capacité à se distancer des contingences, leurs bizarreries, leur distraction, leur manque de sens pratique aussi bien que celui des réalités, leur naïveté, leur cordialité, leur don pour conter et raconter, mais aussi leur mélancolie, dont leur sens comique involontaire et leur humour allant jusqu'à l'autodérision les sauvaient malgré eux. L'Allemand de Livonie se caractérise aussi par une gravité particulière, un profond sens de ses responsabilités souvent poussé à l’extrême. Nombre de ces caractéristiques sont vraies pour Conrad comme pour Egon de Vietinghoff. |
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La vie du père peut être considérée comme la fin d'une ère, en raison de la voie non conventionnelle, individualiste qu'il emprunte et, par conséquent, comme un tournant. Il lègue à son fils l'aspiration à une plus grande indépendance à l'égard des attentes de la famille et de la société, de même que la volonté de prendre, pour ainsi dire sans compromis, son destin artistique en main. En acquérant sa technique de manière autodidacte et en défendant son autonomie par rapport à l'esprit du temps, Egon de Vietinghoff – dans la 2e génération – poursuit cette rébellion à plusieurs niveaux. Pour la tradition familiale, la carrière de peintre est déjà inhabituelle, à plus forte raison dans des temps difficiles.
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A cela s'ajoute un style de vie, de travail et de peinture non-conformiste. Par ses mariages avec quatre femmes issues de la bourgeoisie, il surmonte définitivement la pression de son milieu. L'apparition de tels potentiels artistiques, issus pourtant de ruptures douloureuses avec le passé familial, fait surgir chez le père et chez le fils des talents inattendus, une forme toute nouvelle de créativité.
L'apport littéraire de sa mère Jeanne crée dans les biographies d'Egon de Vietinghoff et de ses parents la trinité classique de la littérature, de la musique et de la peinture. |
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3 – Hommages à Conrad
1)
Paru dans le journal Zolliker Bote du 27 décembre 1940, à l'occasion de son 70ième anniversaire, signé par M. Ernst Merz. (Traduction de l’allemand par Mme Monica Constandache) Le 29 décembre, le musicien Conrad de Vietinghoff célèbre son 70ème anniversaire à Zollikon, dans une retraite tranquille. Après des années d'étude dans l'université de Dorpat, bien connue dans les provinces baltes, il s'éloigna de la noblesse de ses origines, afin de consacrer sa vie complètement à la musique et à ses semblables. Il étudia les sciences musicales auprès d'un élève de Brahms, et s'initia au piano. Il ne s'est produit que rarement dans des concerts, en revanche c'est avec d'autant plus de passion qu'il joua dans le cercle restreint de ses amis et connaissances. De nombreuses familles à Zollikon et Zurich connaissent son jeu noble et animé, l'expression passionnée des œuvres musicales qu'il interprète et son toucher délicat. Sous ses doigts, le piano lui-même semble se mettre à chanter; son jeu vient du cœur et atteint les cœurs, pénètre profondément et bouleverse celui qui écoute. Durant ses riches et intenses pèlerinages à travers l’Europe, en Lettonie, aux Pays-Bas, à Berlin, Paris, Wiesbaden, Genève et Zurich, Conrad de Vietinghoff a toujours rencontré des esprits proches avec lesquels il put entrer en résonance; il les accueillait dans sa maison d'artiste, en compagnie de Jeanne de Vietinghoff, son épouse et écrivaine renommée, disparue en pleine maturité. |
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Il suffisait de lui rendre visite, pour être sûr de se trouver introduit dans l’une des éternelles œuvres de Bach, Beethoven, Chopin, Brahms ou Reger, et d'être entraîné vers une sphère plus élevée.
Si de Vietinghoff a accompagné à Paris le violoncelliste Casals, mondialement connu, et s'il compte encore aujourd'hui parmi ses amis, c'est là le signe de son art accompli de pianiste. |
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De nombreux artistes brillent devant leur public par leur virtuosité, mais trop souvent il leur manque ce qui est le plus important, l'âme qui pénètre la musique. La personnalité est ce qui importe le plus dans l'interprétation d'une œuvre musicale. Celui que nous fêtons aujourd'hui réunit les deux: il maîtrise la technique et, avec une humble empathie, remplit l'œuvre de toute l'étendue spiritualisée de son humanité. Nous avons rarement entendu une telle interprétation; chez lui l'art et la vie ne sont pas antinomiques, ils forment au contraire une unité inséparable. Son jeu est comme l'annonciation d'un grand amour, d'une grande liberté.
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Parmi ses amis, nombreux sont ceux qui voient en lui non seulement l'artiste, mais aussi l'ami altruiste et sincère, toujours prêt à aider. Tant d'entre eux ont trouvé chez lui conseil spirituel et consolation. Tous ceux qui lui ont été proches pourront témoigner que sa vie était remplie non seulement de musique, mais de la beauté et de l'esprit qui donnent valeur à l'existence. Ce n'est pas un hasard si, dans ses jeunes années, il fut pendant des décennies ami avec Madame Ott, une femme d'une grande spiritualité et elle-même amie de Nietzsche. Elle lui ouvrit le royaume des valeurs invisibles: telle une Diotima, elle dirigea ce "Socrate" musical vers le monde plus élevé des idées et des esprits.
Au-delà de son amour de la musique, il a acquis une vaste culture humaniste. S'il n’était pas devenu musicien, on pourrait célébrer aujourd'hui le chercheur en linguistique comparée. Le nombre de langues qu'il maîtrise est étonnant: le grec ancien, le latin, l'allemand, le français, l'anglais, l'italien, le norvégien, le letton, le russe et le hollandais, des langues qu'il a apprises pendant ses voyages et séjours dans les différents pays. Quel dommage que ce talent linguistique n'ait pu profiter à un large public, mais seulement au cercle restreint de ses amis! |
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Une grande communauté d'inconnus pense aujourd'hui à cet homme avec une profonde reconnaissance; car tout orgueil et toute superficialité lui sont étrangers, à cet homme qui ne connait pas le désir de briller ni l'ambition de paraître, cet homme qui vit sa vie discrètement, un peu à l'écart, pour pouvoir d'autant mieux aider et s'offrir.
Que pouvons-nous souhaiter à un tel homme, à cette époque de fer que nous traversons, et qui semble détruire le noyau de la culture véritable? Que la paix et la dignité de l'homme reviennent sur terre, ces valeurs vers lesquelles Conrad de Vietinghoff s'est tourné avec passion, et qu'il s'est toujours efforcé de mettre en pratique – ce serait là son vœu le plus ardent, et aussi le nôtre. |
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Nous tous, à l'intérieur et à l'extérieur des frontières de notre pays, lui envoyons en silence nos vœux les plus chaleureux et espérons qu'il accompagne encore longtemps ses amis sur les chemins de leurs vies, en donnant et en recevant, comme il l'a toujours fait.
Il peut cependant savoir avec certitude une chose: tout ce qu'il a donné, engagé dans le grand combat intérieur de sa vie, lui reviendra en flots en symphonies, en consonances et en harmonies, car une vie de grande bonté ne peut que fluer vers la vie éternelle. |
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2)
Paru dans le journal Zürcher Landbote, Zollikon le 27. 12. 1950, à l'occasion de son 80me anniversaire, signé par M. Ernst Merz. (Traduction de l’allemand par Mme Hélène Raeber) Comme il s'est rarement présenté devant un public lors d'un concert, peu d'auditeurs connaissent le haut niveau de son jeu et de sa conception artistique, ainsi que de son don pour insuffler son âme aux œuvres de Bach, Beethoven, Brahms, Chopin et Reger. Son piano à queue nous donne à entendre de telles mélodies, de tels sons, que chacun est secoué au plus profond de lui-même. Son attaque est tendre et douce comme lui; mais quand la passion survient, il semble que le chef d'une armée d’accords et de sons, assis à son piano, dirige tout un orchestre pour maîtriser son tumulte intérieur et le guider sur les voies des lois éternelles. Je n'ai jamais entendu une telle union d'extrême tendresse et d'aussi puissante passion, jamais une telle vision qui mène à surmonter touts les maux du monde, tous plongés dans des sphères célestes. |
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Ce n'est pas la musique moderne qu'un Conrad de Vietinghoff cultivait, mais la noble tradition de la musique classique. Qu'il s’agisse d'un Bach, d'un Brahms, d'un Reger ou d'un Chopin, qui sont les plus proches de son cœur, il n’a jamais confronté l’un des titans de la musique à un autre. Comme il possède une sensibilité exceptionnelle, il s'absorbe dans le cœur d'une œuvre et peut l'interpréter grâce à la générosité de son âme, ainsi que par la beauté surgie de ses luttes intérieures.
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Le portrait de cet homme ne serait pas complet sans l'évocation de ses liens, les plus précieux et les plus nombreux, tissés avec des gens durant les différentes périodes de sa vie et cela dans tant de villes d'Europe. L'amour de son prochain a de profondes racines dans son âme. C'est pourquoi il personnifie, autant qu'il le peut, la vraie philanthropie, la paix et la bonté. Il est l'ennemi de toute guerre, de toute humiliation, un adversaire de la vivisection et de toutes les limitations politiques et confessionnelles. Aussi intervient-il toujours en faveur de l'harmonie individuelle, ainsi que de celle des peuples.
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En ce qui concerne le mépris de la vie, il s'avère être un opposé passionné; je ne l'avais jamais vu aussi indigné que par la violation de la dignité humaine. La liberté personnelle lui est sacrée et inviolable; c'est ce qui a fait de cet ancien baron balte un démocrate et un Suisse convaincu. Loin d'une conception seigneuriale de son rôle, il est la bonté même, et s'il n’avait pas pensé à son fils, il aurait, comme Saint-François, fait don de toute sa fortune. Dans toute ma vie, j'ai rarement rencontré un être humain aussi intimement lié avec les mondes spirituels et invisibles. Je n'ai pas seulement trouvé en lui des pensées et des idées sur "l’au-delà", mais un immense désir de vaincre le petit monde quotidien et la "réalité" qui se croit si importante.
La musique, l'amour, l'éternité constituaient l'atmosphère de sa vie et les fondements de sa véritable patrie ; ces trois puissances animent l'âme et transforment l'homme de manière qu'il atteigne l'état que nous appelons béatitude. C'est comme si l'artiste avait transféré au cosmos l'ondoiement et l'agitation des sons et de leurs rythmes, ou alors comme s'il avait entendu l'harmonie des sphères – avec un nouveau sens et une extraordinaire sensibilité – venus du cosmos, du royaume solaire et planétaire, des esprits et des anges. A l'époque des Guerres mondiales, des révolutions des masses et d'une technique rigoureuse, il est clair que des êtres à la sensibilité extrême n'ont pas une vie facile. En dépit du développement actuel quasiment infernal du monde, il s'en tient inébranlablement au trésor spirituel pour lequel il a constamment combattu au cours d'une vie si pleine. |
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Si l'on voulait décrire sa piété, seul le mot "mystique" serait adéquat pour dépeindre ce qu'il a vécu, pensé, ressenti et souffert. Toutefois, ce n'est pas la mystique du Moyen-Age au sens ascétique du mot, mais une mystique optimiste, une mystique de l'amour dans laquelle s'unissent tous les contrastes qui conduisent à une infinie harmonie.
Il réunit cette vie terrestre et l'éternité, la passion et le monde des esprits supérieurs en une symphonie imposante, telle que les compositeurs les ont créées. Son credo était, et reste, que les œuvres impérissables sont le fruit de l'amour et de la passion. C'est un homme de cœur, de sentiments délicats, de contemplation et d'intuition, qui par sa bonté cherche à comprendre, à aider et à choyer. Un mot illumine sa vie telle que l'a décrite un jour l'un de ses amis: "Il est né pour aimer". |
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Remarque: A cause de sa compassion et de sa crédulité, C.v.V. a perdu une partie de sa fortune en faisant des cadeaux ou en donnant des cautions, de sorte que son fils (le peintre Egon) a dû assumer la tutelle sur son père.
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4 – Souvenirs de son médecin
Extraits des lettres du Dr. med. Otto Alb-Hug (Zollikon) à Mme Michèle Goslar (Bruxelles).
1) Lettre du 3e octobre 1989 (légèrement corrigée par Mme Hélène Räber) Madame, J’ai soigné, comme médecin de la famille [1], le baron Conrad de Vietinghoff pendant les six dernières années de sa vie, plus précisément du 18 février 1951 au 12 janvier 1957 – le jour de sa mort, survenue dans sa 86e année. Il habitait alors à Zollikon, dans la banlieue de Zurich, un petit appartement de deux chambres, avec jolie vue sur le lac, d'un caractère luxueusement démodé, d'aspect un peu Vuillard – bourré de tapis et de meubles anciens visiblement négligés, y compris le grand piano à queue [2] et une armoire à musique en forme d'une lyre pleine de notes de musique jaunies, mais pas de compositions de sa propre main [3] – de cela il n'était jamais question. J'aimais surtout étudier quantité de photos anciennes: la «Salisburg» – la maison paternelle dans les environs de Riga [4] – avec ses immenses étables et entourée de grandes forêts – la plage de Scheveningen où la petite Marguerite de Crayencour jouait gentiment avec les deux fils Vietinghoff [5], dans un cadre de Boudin, surveillée par Mme Jeanne de V. toute en blanc et avec un élégant parasol – ou bien Davos, dans la neige, Jeanne en grande dame (bonnet et manchon de fourrure) à côté du baron (chapeau melon et haut col blanc) ou bien encore la grande villa de Wiesbaden avec son immense salon de musique où C.v.V. donnait des concerts de charité. Il paraît que C.v.V. n'a jamais donné de concert en public [6] (je ne me souviens pas avoir trouvé des coupures de presse à Zollikon), mais fréquemment dans des soirées de la bonne société, ce qui était aussi le cas à Zurich. J'ai assisté moi-même à des occasions pareilles, la dernière fois à Küsnacht où on fêtait le 80e anniversaire de C.v.V. et où il jouait avec moi [7] des extraits du concerto pour violon de Max Reger (C.v.V. avait des préférences pour Brahms et Reger, entre autres). Même dans sa haute vieillesse, le baron s'avérait un pianiste remarquable et expérimenté – plus encore: vrai musicien qui entrait prudemment et profondément dans l'essence d'une œuvre musicale. Physiquement, le baron était grand, maigre, un peu décharné mais bien conservé pour son âge et d'un esprit vif, souvent sarcastique et d'une mémoire intacte. Il est vrai qu’avec sa voix de tête incertaine il faisait l'impression d'une certaine féminité, d'une grande sensibilité et délicatesse. Il aimait à exagérer un peu sa faiblesse de vieillard. Il sortait rarement, restait de plus en plus au lit et se munissait, au moindre changement de climat, même en été, de nombreuses couvertures et d'un bonnet de fourrure. Pour nos visites médicales, il servait du thé et des petits fours. «Ne venez pas, docteur, la prochaine fois, c'est trop fatigant pour vous.» Ou (quand j'avais annoncé mon absence pendant des vacances) «C'est très dommage, je vais assurément mourir pendant ce temps-là.» Pour moi qui ai connu M. de Vietinghoff seulement pendant les dernières années de sa vie, son caractère doux et discret ne me laissait... |
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2) Lettre du 26e novembre 1989 (légèrement corrigée par Mme Hélène Räber)
Madame, Je suis très tard à vous répondre à votre gentille lettre du 9 octobre et à vous remercier pour les deux romans de Mme Yourcenar et ses sonnets. Depuis j'ai été un peu trop occupé par d'autres choses pour m'adonner de nouveau à C. v.Vietinghoff et des souvenirs qui me sont restés de lui. Les sonnets, à vrai dire, ne me disent pas grand' chose, mais les confessions d'Alexis m'ont beaucoup surpris et touché. A mon avis, C.v.V. y est étonnamment présent – même avec son petit ingrédient d'insincérité cher aux homophiles. A l'opposé de Mme de Yourcenar, C. v.Vietinghoff et moi n'ont parlé que rarement des problèmes intimes de sa vie antérieure, soit par le gouffre des années écoulées depuis les événements, soit par mon talent comparativement faible (vu celui du grand écrivain) à élucider psychologiquement des conditions d'homme qui sont plutôt d'ordre élémentaire, fatal, parfois héréditaire. A ce que je me souvienne, C.v.V. était clandestinement du même avis que le poète allemand Hermann Hesse qui avait pensé que "la psychologie est une faiblesse de notre temps". Le Coup de Grâce, moins précieux que l'admirable Alexis me paraît ne pas être tellement important pour la connaissance de C.v.V. – surtout si on se souvient qu'il n’a jamais revu sa patrie en Estonie [8] après son départ [9]. Quant à la 'Salisbourg' je ne peux que répéter mes seuls souvenirs d'une photo plutôt château que demeure des Vietinghoffs qui portait ce nom. Il me reste la question d'ordre "archiviste" que vous me posez sur les diverses demeures de C.v.V. à Zurich. Ce qui est absolument sûr c'est que C.v.V., pendant tout le temps de notre connaissance (1951-1957) ait toujours habité à Zollikon, Bahnhofstr. 35. Cependant j'ai passé, en effet, sous silence sa dernière adresse à Zurich-Enge, Farenweg 16 [10], où il restait, à partir de l'an 1956, sous les soins d'un jeune garde-malade, où je continuais de le visiter et où il est décédé paisiblement en grande faiblesse artérioscléreuse, le 12 janvier 1957. A part cela, je ne me souviens pas d’autres demeures [11] – possiblement antérieures à Zollikon – dans la ville de Zurich.» …. |
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Remarques aux lettres du médecin
[1] Le docteur Alb a été durant différentes périodes le médecin de Conrad, d'Egon et d'Alexandre de Vietinghoff.
[2] L'instrument de Blüthner à Leipzig était un demi-queue. [3] Le médecin a raison: Conrad n'a jamais composé de musique. En fait, il s'agit là d'une création littéraire de M. Yourcenar, qui fait de lui un compositeur d’avant-garde. [4] Le médecin commet ici une erreur: Salisburg (Mazsalaca) n'est pas située à proximité immédiate de Riga, mais à quelque 150 km au nord-est, vers la frontière actuelle de l'Estonie. [5] En fait, il existe des photographies de Marguerite avec Egon à la plage de Scheveningen, mais nous doutons qu'il y en ait une de Marguerite avec les deux fils, Egon et Alexis. [6] Ce souvenir est correct, à l'exception de deux concerts de bienfaisance en 1910 à Neuwied (Allemagne) et en 1923 à Fribourg (Suisse). [7] M. Alb jouait du violon. [8] Ici, le médecin se trompe: la patrie de Conrad était cette partie de la Livonie d’alors, qui appartient à la Lettonie actuelle. Mais il fit ses études à Dorpat, Tartu en Estonie actuelle. [9] Il est d'autre part avéré qu’après ses études à Leipzig et à Berlin, il est retourné chez ses parents quelques fois, certainement à trois reprises: pour ses fiançailles avec Jeanne en 1902, et avec ses enfants en 1904 et en 1906. Il n'est pas avéré qu'il y soit retourné encore une fois, mais seul, et si "oui" assurément pas après 1913. [10] Le Farenweg ne se trouve pas à Zurich-Enge, mais à Zurich-Wollishofen, soit à dix minutes à bicyclette de l'appartement de son fils Egon. [11] Entre son appartement à la Bahnhofstrasse 35 et celui du Farenweg, il a brièvement habité un logement de deux pièces à la Zollikerstrasse de Zurich, en face de l'église, dont les carillons ont troublé son jeu de piano et l'ont donc rapidement chassé. |
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5 – Souvenirs de sa bru Liane
Ficelles
Lorsqu' après sa mort, nous avons liquidé son ménage, j'ai trouvé une boîte ainsi baptisée: "Ficelles trop courtes pour l'emploi". Commentaire: Conrad a grandi dans une vaste propriété qui couvrait pour ainsi dire tous les besoins du quotidien. Ce qui ne pouvait être produit sur place devrait être cherché, avec chevaux et équipage, chez des marchands éloignés, voire dans la capitale. Conrad avait vécu les années de crises durant des révolutions, des guerres et l'inflation; en outre, il perdit une part de sa fortune par sa naïveté et sa générosité. Même s'il n’avait pas besoin de faire des économies dans ses 60 premières années, il été toujours conscient de l'utilité et de la valeur de menus objets. Pour lui, jeter quelque chose était du gaspillage et lui coutait un gros effort. Le colporteur Lorsque Conrad quitta son appartement en 1950 pour un petit logis de retraite privé, Melle E., appartenant à la haute société zurichoise, l'aida pour ses emballages. Ce faisant, elle sortit d'un tiroir deux jarretières, l'une noire, l'autre d'un rose tendre. Conrad avait plus de 80 ans et ne recevait jamais de visites féminines, à l'exception d'admiratrices de ce pianiste exceptionnel, et de ses brus. Melle E., connaissant son mode de vie ascétique, troublée par cette découverte, lui présenta ces deux objets inattendus sans mot dire, mais avec un regard évidemment interrogateur. "Le colporteur n'avait rien d'autre" fut la réponse à la fois gênée et maladroite... |
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